« J’ai l’impression que les Japonais n’ont plus cette prestance d’autrefois »


Kan Takahama, dans son bureau, chez elle à Amakusa (Japon), le 21 octobre 2023.

Quelques minutes de discussion ponctuées de légers éclats de rire avec elle suffisent à deviner les traits de caractère que la mangaka Kan Takahama partage avec ses héroïnes. En particulier Miyo, jeune orpheline capable de « lire » le passé des objets en les touchant, dans La Lanterne de Nyx (Glénat), ou Tamao, une apprentie courtisane des Saisons d’Ohgishima (Glénat), dont le tome III vient de paraître en France. Il y a, chez elles, cette mélancolie feutrée, cette forme de résignation que leur génitrice voit comme « une tendance qui n’est pas rare chez les Japonais, et qu’[elle] doi[t] certainement posséder en [elle] aussi ». « Si on me disait : “tu dois mourir aujourd’hui”, je pense que je me ferais à l’idée », ajoute-t-elle en exemple, non sans humour, dans les locaux de son éditeur français, Glénat, lors de son dernier passage à Paris, début octobre.

Planche extraite de « La Lanterne de Nyx », tome 1.

Au début de ses séries, les héroïnes de Kan Takahama paraissent souvent naïves et peu maîtresses de leur destin, à la merci d’un entourage qui les considère sans grand talent. Toutes ont pourtant de la ressource, une envie commune d’aventure et une curiosité pour les autres, notamment les personnages étrangers, omniprésents dans ses récits d’époque. Miyo va découvrir la France des expositions universelles du XIXe siècle au travers d’objets importés. Les nombreuses courtisanes que la dessinatrice met en scène prennent langue avec des marchands européens, et voyagent grâce aux connaissances rencontrées et aux anecdotes rapportées dans les bagages, conjurant ainsi un destin bridé par leur condition de femme, modeste le plus souvent.

Goût pour l’étranger

La carrière de Kan Takahama, 46 ans, tranche avec celle de ses confrères et consœurs, volontiers plus insulaires, et reste marquée par les collaborations artistiques ou les récits noués avec la France. Au début des années 2000, l’autrice a ainsi publié pour Casterman plusieurs histoires contemporaines comme Mariko Parade ou 2 Expressos. Plus récemment, on lui a proposé de transposer en manga les aventures d’une critique du guide Michelin (Le Goût d’Emma, Les Arènes, 2018) ou d’adapter L’Amant, de Marguerite Duras (Rue de Sèvres, 2020).

Ce goût pour l’étranger, Kan Takahama l’explique par « [s]on ADN » : « Je suis une Amakusa Jin », une personne originaire d’Amakusa, dans la préfecture de Kumamoto, au sud du Japon. « Une île de pirates, de gens [historiquement] tournés vers l’extérieur », notamment la Chine. « Je viens d’une famille qui a toujours été dans le commerce et donc habituée aux échanges avec l’étranger. »

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